Le BaskIN c'est quoi ?
Le sport au défi de la logique inclusive. L’exemple novateur du BaskIN
Alexy Valet
Extrait de l'article paru dans EPS et société le 28 avril 2015.
Le BaskIN, un nouveau sport collectif conçu pour permettre une pratique partagée entre des personnes dites « valides » et d’autres « handicapées », Alexy Valet , Docteur en STAPS, questionne une norme sportive qui sépare les pratiquants en différentes catégories et entrave la participation des plus faibles. Il montre les effets possiblement pervers de règles spécifiques, critique une tendance intégrative basée sur l’assistanat, et décrit le BaskIN comme une recherche d’équilibre entre l’individualisation des règles et leur uniformisation.
Le BaskIN se présente comme un sport innovant, encore peu connu en France
Le BaskIN provient d’un sport existant que tout le monde connaît – le BASKET-BALL – mais il reflète en même temps l’invention revendiquée d’un nouveau sport, dont l’architecture réglementaire permet de faire jouer ensemble des personnes dont les capacités motrices et intellectuelles sont radicalement hétérogènes. En effet, le principe est simple : si les personnes n’ont pas toutes les mêmes capacités, il est considéré judicieux au BaskIN que les règles ne soient pas les mêmes pour tous. Ceci dit, pour essayer malgré tout de construire un langage technique commun, il n’est pas choisi non plus d’attribuer des règles différentes à chacun, car l’idée est de préserver le sentiment de partager une même expérience. Le BaskIN reflète donc une recherche d’équilibre entre prise en compte des « particularités » de chacun et recherche d’un langage « universel » pour tous.
Comment cela se traduit-il dans la pratique ?
Voici les principales adaptations techniques, formalisées aujourd’hui dans le règlement de BaskIN qui ont progressivement infléchi l’architecture réglementaire du Basket-ball, afin de s’ajuster au mieux à la variété des capacités observées :
- des paniers de hauteurs différentes (3,05m, 2,2m et 1,1m) multipliant ainsi les possibilités d’atteindre l’objectif commun ;
- la liberté de choisir entre deux zones d’attaque pour chaque équipe, dont une zone latérale marquée au sol facilitant la participation de joueurs ayant une mobilité plus réduite ;
- la possibilité de remplacer le ballon de basket, pour certains joueurs qui ne peuvent pas le manipuler ou le lancer, par une balle plus petite et plus légère ;
- une différenciation précise des rôles des joueurs au sein de l’équipe en fonction des capacités possédées (5 rôles identifiables par un numéro inscrit sur le maillot, allant de 1 à 5) ;
- la contrainte fondamentale selon laquelle la défense n’est autorisée qu’entre joueurs de profils semblables, préservant ainsi des espaces de participation adaptés aux possibilités de chacun et garantissant l’équité de la compétition.
L’établissement de rôles ne risque-t-il pas de renforcer les catégories figées dans lesquelles se laisse souvent enfermer le handicap?
Et bien non. C’est là précisément un autre élément novateur du BaskIN, qui introduit une saine confusion dans les catégories de rôles, puisqu’on ne se préoccupe pas du diagnostic médical pour attribuer un rôle à un joueur mais on part des capacités observées. La classification est donc fonctionnelle et non médicale. Cette saine confusion s’observe particulièrement dans les rôles 3, 4 et 5 qui peuvent être occupés indifféremment par des joueurs ayant ou non une déficience ; ce qui compte est simplement leurs capacités réelles sur un terrain avec un ballon dans les mains. Dans les rôles 1 et 2, il est plus rare d’observer ce « mélange » car les profils de capacités qui renvoient à ces deux rôles correspondent statistiquement – sauf dans les cas de blessures – à des personnes
ayant une lourde déficience motrice (rôle 1) ou des troubles moteurs associés relativement importants (rôle 2).
En quoi le BaskIN se distingue-t-il?
En fait, le BaskIN refuse aussi bien la séparation des pratiquants en regroupements distincts que la stratégie paternaliste, encore dominante dans les sports partagés, consistant à inverser le sacrifice, c’est-à-dire à demander aux « plus forts » de se sacrifier pour les « plus faibles ». Car, pour les acteurs du BaskIN, tel est le réel enjeu culturel de la logique inclusive : ne pas remplacer le sacrifice des uns par le sacrifice des autres. Le plus grand défi n’est donc pas tant de trouver des adaptations matérielles, spatiales, réglementaires ou de communication pour favoriser la participation des personnes « handicapées », mais c’est surtout de faire en sorte que les autres – ceux qui n’ont pas l’habitude ni même peut-être l’envie a priori de partager une expérience avec des personnes « handicapées » – trouvent un réel plaisir à s’engager dans ce type de pratique sportive inclusive.